Intervention de Véronique Besse

Séance en hémicycle du mardi 11 avril 2023 à 21h30
Garantir le respect du droit à l'image des enfants — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Besse :

J'aurais aimé me réjouir et dire : « Enfin, une loi sur le grand âge ! » Cette loi, promise par le Président de la République, était tant attendue par les personnels, les familles et les personnes âgées ; mais ce texte ne contient rien. Pourtant, par les temps qui courent, une véritable loi consacrée au grand âge aurait pu fédérer : il ne s'agit pas de politique politicienne, et nous sommes tous concernés par le sujet.

Le texte de loi que vous proposez est, pour moi comme pour beaucoup d'entre nous, une provocation. Il ne contient aucune avancée significative, rien qui puisse rassurer celles et ceux qui travaillent auprès de nos aînés. En revanche, comme pour brouiller le message et faire oublier très vite cette proposition de loi vide, on amuse la galerie avec des annonces : une réforme du grand âge dans la foulée du Conseil national de la refondation, un plan d'actions, un échange sur la gouvernance et le financement dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, etc. Le message est inaudible et rien n'est clair ; du moins, tout est fait pour gagner du temps et faire croire que les choses avancent.

Il y a pourtant urgence ! Les personnels, en établissement ou à domicile, n'en peuvent plus : 43 % d'entre eux envisagent une reconversion à court ou moyen terme. Les aidants – que vous n'évoquez même pas dans ce texte ! – s'épuisent, sont démunis et livrés à eux-mêmes. Nos anciens ne sont pas pris en considération, alors que nous leur devons toute notre reconnaissance, notre accompagnement et notre affection.

Quatre grands thèmes auraient dû constituer le cœur de cette proposition de loi. Je félicite d'ailleurs notre collègue Jérôme Guedj pour sa proposition de loi très complète, que j'aurais volontiers cosignée. Le premier thème est le logement : 85 % de nos anciens souhaitent rester à domicile. L'État doit prendre sa part de responsabilité dans la nécessaire adaptation des logements. Par ailleurs, les Ehpad ne sont pas humainement adaptés au grand âge et à la perte d'autonomie. La santé est le deuxième thème, avec un volet consacré à la prévention, qui doit être une priorité pour que nos aînés vivent le plus longtemps possible en bonne santé. Le troisième thème concerne le personnel, qui doit être mieux accompagné, mieux reconnu et mieux formé. La carte professionnelle que vous proposez pour les personnes intervenant à domicile est un gadget. Pour être à la hauteur des enjeux, il faudrait recruter 100 000 professionnels dans les cinq prochaines années, et avoir un taux d'encadrement minimal équivalent à huit soignants pour dix personnes âgées. Le dernier thème – pour ne citer que les plus importants – porte sur les finances. Nous avons tous lu les mêmes rapports, concluant qu'il manque 10 milliards par an dans le secteur de la dépendance. La situation financière des établissements est très délicate : 85 % des Ehpad publics et privés sont en déficit.

Bien au-delà des chiffres, il faut remettre la personne âgée au cœur de toutes nos réflexions. Ainsi, l'isolement des personnes âgées est un drame qui devrait tous nous amener à nous interroger. Selon une étude des Petits Frères des Pauvres, 530 000 personnes âgées seraient aujourd'hui en situation de mort sociale.

La continuité et la qualité de l'accompagnement de nos anciens sont en péril, malgré toute l'énergie et le professionnalisme des équipes, et malgré le soutien des familles et des bénévoles. Cette situation est doublement intolérable. D'abord, car, loin de se préparer à la vague grise qui arrive, notre pays n'accompagne pas ses anciens comme il le devrait. En 2040, c'est-à-dire dans moins de vingt ans, les personnes âgées de 65 ans et plus représenteront 25 % de la population. Ensuite, parce que les solutions sont connues de tous depuis longtemps. Les différents rapports – Libault, El Khomri, Broussy – ont tous présenté les solutions à même de répondre au défi de la transition démographique et d'assurer un accompagnement respectueux et humain pour nos aînés. Tous préconisent une réforme majeure du secteur du grand âge incluant des financements pérennes et des recrutements massifs.

Monsieur le ministre, nous connaissons l'état des lieux, ainsi que les solutions. Alors, qu'attendez-vous ? Face à cette situation plus qu'alarmante, le déni est intenable et le courage politique inexistant !

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